vendredi 16 novembre 2012

Les contre-vérités éhontées de François Baroin

François Baroin sort un livre, et les medias sont sur le coup. Ruquier samedi dernier, France-Inter dès lundi matin, et Taddei mardi soir. Ouf ! On n'aura pas pu y échapper, quelle belle voix ! C'est tout le génie que je lui reconnais. Nous n'avons pas les mêmes valeurs, ceci est clair. Mais ce qui me distingue des gens comme lui, c'est que n'avons pas les mêmes sources.


Baroin, ce n'est plus de la droite, fut-elle Gaulliste, c'est du dextrisme : à plusieurs reprises, sa seigneurie nous déroule par le menu  (à la suite de nombreux prédécesseurs, experts, chroniqueurs qui nous servent cette bouillie comme une soupe populaire) la doxa monétariste ultra-libérale dans laquelle l'Europe s'est enfermée depuis plus de 40 ans (le consensus de Washington, la dématérialisation de l'argent, c'est 1971 avec Nixon  et son conseiller Milton Friedman).








C'est comme on le sait aujourd'hui, le refus des règles du jeu capitaliste qui a conduit à transformer des échecs industriels financiers en autorisations de continuer, impunément, en endettant la puissance publique (les Etats) et en absolvant le privé (les banques d'affaires). Toute l'attitude des pays capitalistes a donc été porteuse d'un signal d'irresponsabilité qui tranche assez merveilleusement avec tous ces discours appelant à pratiquer une économie "responsable", énoncé par tous ceux qui comme Baroin se font les défenseurs du néo-libéralisme financier...

Alors comment dès lors dissumuler leurs contradictions ? Vous l'allez voir : en travestissant la vérité.
Je me propose donc de revenir sur sa lecture de l'histoire, régalons-nous :


Voici en 50 mn un chef d'œuvre de langue techno-propagandiste, un condensé de toutes les contre-vérités politiques et économiques énoncées à longueur de JT depuis 30 ans.  


(Comme il le dit lui-même, François Baroin est journaliste de formation. Il faut dire qu'avec un DESS de Défense, un DESS de sciences de l'information et des bibliothèques de l'Institut supérieur de gestion (ISG Paris), et d'un DEA de Géopolitique, il avait de quoi faire carrière dans les médias.
Et s'il est un homme politique connaissant leurs rouages, leurs réseaux de connivences et leur fonctionnement, c'est bien François Baroin. Mais son éloge s'arrêtera là. J'ai découvert sur France 2 ce samedi soir dernier un personnage retors, habile et arrogant. J'ai pris aussi la mesure, tout comme Natacha Polony lors d'une de ses meilleures prestations (à 10' on l'applaudit), de ce qu'est un ancien ministre affecté par un bilan catastrophique. 

En termes de télé, c'est un bon client, il maîtrise les pitchs qui font vendre son livre, les histoires qu'il raconte, les anecdotes sont ciselées, ont été maintes fois répétées. Il est bon. Lorsque la télé l'interroge ou fait un sujet sur lui, il ressort toujours un bon vieux "spread", à glisser au détour d'une phrase pour impressionner ceux qu'il prend pour des illettrés, et cette émission n'a pas fait défaut à cette étrange manie. En fait de grand argentier, on a plus affaire à un fils de, un aristocrate d'Etat, qui fait de son incompétence un étal)

D'abord, on est effrayé avec Polony et Caron d'entendre la relation que Baroin nous fait des exigences de Merkel et Sarkozy sur Papandréou (12') : "Tu ne vas pas demander aux Grecs s'ils veulent oui ou non de l'argent que nous allons te prêter (de force donc) mais tu vas leur demander s'ils veulent rester dans la zone Euro (la question piège). Baroin nous explique que le dirigeant d'un pays n'est pas libre de poser la question qu'il veut à son pays et que, s'il voulait continuer de faire partie de la Zone Euro, c'était à leurs conditions. Autant dire que Papandréou a démissionné le revolver sur la tempe, comme Berlusconi l'a fait quelques semaines plus tard, vous ne l'avez pas oublié. 


On eut donc droit à près de minuit (l'heure des loups) à un véritable plaidoyer monétariste, où toutes les mesures de sauvetage des banques privées à coup d'argent public ont été justifiées par le souci de sauver l'économie.... Hélas faut-il vous faire l'injure d'une explication ? Quand on pense que même les américains du nord qui ont pourtant vu naître les théories de l'Ecole de Chicago se gardent bien d'appliquer leurs principes monétaires sur le plan intérieur (que les Européens les expérimentent !)


Mais par dessus tout, écoutez à telle minute M. Son Excellence le Ministre Baroin dire que "les USA ont laissé tomber les banques" ; ça vaut son pesant d'or. Je crois que si Baroin laisse une place dans  l'histoire ce sera d'être le seul homme occidental à croire (et à faire croire) à ce rôle-là des USA ans la crise dite des"subprimes". 


Vous entendez bien, il dit que les USA ont émis un signal inquiétant de faillites bancaires aux marchés (spéculatifs financiers). En l'occurrence, après la faillite de "Fanny Mae & Freddy Mac" les USA ont dès octobre 2008 recapitalisé à hauteur de 79% la plus grosse banque d'affaire en péril, et ont donné pour tout signal l'assurance qu'elles étaient trop grosses pour les laisser calancher, qu'elle tenaient en otage l'économie réelle de l'Amérique toute entière.

(lire à ce propos l'article de Fred Lordon : http://www.monde-diplomatique.fr/2008/10/LORDON/16354)

Et ils l'ont fait à telle enseigne qu'un sénateur américain, loin de la tranquillité Baroinienne, qualifiait même l'adminstration Bush de "socialisme financier non américain" ! 


Donc, le "mauvais signal" dont parle Baroin n'est pas celui de la menace de faillite bancaire, mais au contraire un signal d'irresponsabilité  qui a été donné : ne battez pas votre coulpe, on s'occupe de tout, et si vous perdez votre argent on vous en reprêtera, et à vil prix !



(pour mémoire Sarko avait prêté aux banques BNP et du Luxembourg à 0,7%, mais s'était bien gardé de prendre des parts publiques dans leurs actifs, quant à un contrôle 
de leurs Conseils d'administration, doux rêve !)

C'est ainsi que les dettes privées sont devenues un problème public. Nous sommes en 2012, chacun aura compris cela depuis un moment. Etrange lecture des événements que fait là un ex-Ministre des Finances ! Du point de vue de la DRH de Matignon, y a de quoi s'inquiéter.


En effet, une économie agit à l'intérieur d'institutions qui la régulent, qui la forgent, qui lui donnent un sens. La monnaie n'est que son instrument matériel, sans odeur, objectif. Alors écouter Baroin dire que le sauvetage de l'Euro est indispensable à la bonne santé de l'Europe devient proprement ridicule lorsque l'on sait, 4 ans après, les ravages en terme de santé, et pas seulement économique, que les recettes du bon docteur Baroin ont provoqués. Même les américains U.S se méfient des idéologues monétaristes ; sur ce chapitre Baroin a prouvé ou son indicible connerie, ou l'ampleur de la corruption de ses convictions.




Pour oser affirmer que l'on étrangle des peuples entiers pour la bonne santé de l'Europe, alors qu'il ne s'agit que de la bonne santé des prêteurs de la Finance, il faut être soit de mauvaise foi soit totalement corrompu. Ou alors, à reconnaitre que l'Europe, c'est la Finance....

Car enfin, nous sommes face à des gens sur-diplômés, aussi bien informés que vous et moi de la situation économique objective. Il apparaît comme peu problable que ces gens pensent réellement ce qu'ils disent. La seule solution qui s'offre à mon interrogation revient à soupçonner ces élites au pouvoir en Europe de corruption.


Car c’est justement le capitalisme monétariste de Hayek  qui a fait la dictature en Argentine, au Chili, en Russie. Souvenons-nous que Eltsine a fait bombarder le Parlement parce que celui-ci dans son droit constitutionnel, s’opposait au néo-libéralisme. La dictature européenne est, elle, bien en marche.


La suppression des libertés individuelles a eu lieu partout où le néolibéralisme s’est imposé, en cachette, dans le dos des populations à qui on a interdit le droit de se manifester. Le prétexte de la "science économique", indiscutable parce qu’ainsi décrétée, n’a pu se faire qu’avec la torture policière et militaire et la restriction des droits des individus. 


Les principes de "bon sens économique" n’existent pas, c’est affaire de choix politiques. Et quand, malgré les millions d'Euros corrompant les directeurs de pressee pour qu’ils indiquent au bon peuple pour Qui, ou Quoi voter, le peuple n'obéit pas, alors on contourne la démocratie. L’exemple le plus frappant chez nous est le référendum de 2005. Voilà à quoi mène le capitalisme que Baroin nous propose sous son visage d'ange.


Pour terminer, ce à quoi je vous invite à être attentif au-delà de ces artifices pernicieux de raisonnement, c'est que nous avons eu ce soir-là entendu quelques éléments de langage que la droite a décidé d'employer dans les anénes à venir : 

  • juxtaposer artificiellement Economie et Monnaie, avenir et libéralisme, modernité et rigueur. La Gauche, elle, est taxée d'immobilisme, de conservatisme, d'archaïsme dès qu'il s'agit d'un projet venu de la gauche de la social-démocratie Hollandienne. 

Ce renversement des représentations est à l'œuvre chez Baroin comme chez Copé et Fillon qui font semblant de ne pas s'entendre.Nous le savons, pour cet idéologue mal averti la gauche obtient le pouvoir "par effraction", c'est dire l'esprit borné auquel nous avons affaire.


Heureusement qu'il y a la droite française pour faire aimer la gauche, et Baroin en est l'un de ses plus fameux camelots !


voir : La Dette, un documentaire de Sophie Mitrani et Nicolas Übelmann http://www.youtube.com/watch?v=VIATbS8jumU

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