mercredi 21 mars 2012

Timing parfait !




Alors que l'on vient d'apprendre le décès du présumé criminel M. Merah (y aura-t-il une enquête ?) suite à l'assaut du RAID, il est fort peu probable que les autorités aient voulu le capturer vivant. Offrir, par un procès équitable, une publicité au jeune criminel qui se réclamait du salafisme, et qu'il aurait bien fallu défendre, était une option dont je ne crois pas le gouvernement capable.


Le présumé meurtrier de 3 enfants, un professeur et 3 militaires.
La version donnée par les autorités serait que Les policiers ont ouvert le feu sur l'homme alors qu'il avait sauté par la fenêtre. Ce sera la position officielle.


Il y eut des précédents. Au cours d'un procès intenté par la famille, il a été révélé que Eric Schmidt, le preneur d'otage de la maternelle de Neuilly en 1993, avait été "abattu" par les forces spéciales, mais endormi sous Rohypnol, et de ce fait avaient empêché la justice de passer. Charles Pasqua était aux commandes à cette époque et Nicolas Sarkozy prenait le risque d'aller chercher lui-même  un de ces enfants.


Si les services de police l'avait voulu vivants, n'auraient-il pas pu envoyer des gaz incapacitants de façon à l'anesthésier. Personne ne résidait plus dans l'immeuble. Qu'un lecteur spécialisé ait une réponse ne me déplairait pas. Bref.

Quand la mort plane, que la démence meurtrière fait entrer la religion dans le lit de la politique, la droite en touche de sombres dividendes.

Ce message que je recevais hier d’un connaisseur en est une première illustration : "ce sac a merde d'islamiste souille notre pays et il n'est en rien francais mis a part le droit davoir été chié sur notre sol !”. 

Voilà, on imagine bien le réveil des racistes qui ne se sentent plus de joie au moindre événement qui met en scène des communautés différentes, des origines différentes, des religions diverses. Ils ne voient pas des êtres humains, dans leur innocence ou leur monstruosité, non, ils voient des étiquettes.


Dommage, la campagne de la Présidentielle 2012 commençait bien pour une fois. On y débattait âprement et dans un clivage idéologique constructif, regulateurs contre dérégulateurs, qui commençait à ressembler à un vrai débat de société entre vraie gauche et vraie droite, et non entre sociaux-démocates d’un côté et nationalistes de l’autre. Pour une fois, mais il n'est pas trop tard. 

Ce sera même une nouvelle occasion d'expliquer la nécessité de faire France ensemble pour nous et pour nos enfants demain. 











Le cours de la campagne électorale doit reprendre au plus vite. Elle démarrait bien jusqu'à lundi dernier. Dimanche encore on défilait. On y exposait le bilan du pouvoir en place depuis cinq et dix ans, on y arguait d'une nécessaire réorientation de l'économie et la mise au pas de ses structures financières les plus anarchiques. Tout allait on ne peut mieux dans cette campagne. Et puis, soudain l’horreur, l’émotion, la peur et maintenant la désignation d’un ennemi commun. Tout y est.

Les trois parties sont à leur manière victimes directes et indirectes du fanatisme religieux. Ce ne sont pas les premières, même si on espère à chaque fois qu'un enfant tombe que ce soit le dernier.

Et le meurtrier est bien plus que “salafiste” et les victimes bien plus que “juives”. L'un est un malade mental en liberté, qui a sûrement vu des horreurs qu’il n’était pas préparé à voir en Afghanistan, et les autres étaient des enfants, et des innocents, victimes de l'étiquette que les racistes de tous poils collent au front des gens : les uns symboles de l'armée française, les autres symboles du judaïsme. 
Mais qu’il soit néo-nazi ou salafiste, ou encore soldat russe ivre-mort, l’homme qui en vient à commettre des crimes de cette facture, à Gaza, à Toulouse ou en Tchétchénie, est déshumanisé jusqu'au dernier degré. C’est ça qui est inquiétant.
Le candidat Jean-Luc Mélenchon avait bien fait œuvre de pédagogie, de ténacité aussi lors d’un débat qui n’eut pas lieu faute d’ennemie à sa portée, il avait avec ses équipes patiemment démonté l'arsenal de contre-vérités qui souillait l'atmosphère émotionnelle de notre démocratie depuis vingt-cinq ans, (pour ne pas dire “intellectuelle” ce serait trop beau) et c’était déjà un événement. 

La société n’affronte pas souvent ses problèmes en face, et se trouve malade de ses peurs, agitées en fonds de commerce, et malade de ses éternels euro-dirigeants déconnectés.
Justement, n’aurait-on pas dû faire une large place aux questions importantes de notre attitude à venir sur la politique arabe, sur notre rôle en Afghanistan, notre présence dans l’Otan, durant cette campagne présidentielle... plutôt que faire silence sur ce qui fâche, et de parler d’abattage, d’agiter le spectre d’une viande par laquelle on ingérerait des religions. Nous devrions avoir honte.

La question qui va se réinviter dans la campagne est celle de l'emploi des jeunes, de leur insertion, des cités-prisons.
Quant à savoir si le présumé coupable Mohammed Merah doit être considéré comme un Français avant d’être un musulman, oui ; n’en déplaise à ceux qui ont la France sélective. C’était un Français et il faut de toute urgence se demander pourquoi un garçon de 23 ans, recalé par l’armée de terre où il voulait s’engager, atterrit aussi vite dans le baquet de la poudrière religieuse et criminelle. Cela interroge notre société française, où 26,7 % des jeunes des cités sont sans diplôme, dit l'Observatoire des inégalités.

Donc, ce jeune homme perdu, qu'a-t-il fait, sinon un mal indescriptible et aveugle, dont l'impact neutralise les clivages autour d'une unité nationale de compassion puis de réprobation ? 
À 32 jours du premier tour, avec l'aide de la droite et de son extrême garde-chasse, ces crimes vont être manipulés pour donner un visage odieux à la campagne de 2012. Ils tiennent là un sujet qui va leur permettre de faire diversion quant aux grands enjeux économiques nationaux et aux enjeux stratégiques qui les gênes aux entournures. 
Sans compter, à l'interieur d'une population édifiée, une recrudescence de haine, de xénophobie et d'amalgames. 
Tous arguments prêts à justifier les dépenses les plus sécuritaires et les politiques les plus démagogiques: en un mot, les caméras qu'on installera coûteront le prix d'un renforcement de l'enseignement de l'histoire et de l'éducation civique, ce dont tous nos enfants auraient bien besoin, en plus d'une perspective d'emploi, surtout lorsque nos enfants sont de parents étrangers. 
Au grand dam de cette gauche enfin réveillée, au lieu du printemps des français nous risquons le printemps des racistes. Et comptez-y bien, l'événement, pour odieux qu'il soit, n'en tombe pas moins à pic pour certains agitateurs de haine, médias en tête. 
Alors bien sûr, la Droite tentera de souffler sur les braises de cette violence alors que les cendres des pauvres innocents sont encore là, et leurs corps, pas encore inhumés. D’ailleurs, Marine Le Pen occupait les écrans dès potron-minet, et on se demandait bien pourquoi elle, justement. Serait-elle devenue une référence ? 


Le lecteur l'aura compris, je ne crois pas au hasard, encore moins à celui du calendrier en période électorale. Un timing aussi favorable à la campagne du president sortant atteint la perfection : l'assassinat des écoliers a eu lieu lundi matin, au moment même où le parti d'extrême-droite, premier critique des salafistes mais aussi premier à se repaître de leur présence, commençait à ne plus constituer un gage de victoire au premier tour ; au moment même où la Gauche est haute dans les sondages, et en particulier dans le contexte exceptionnel de présence inédite du “Front de Gauche”, qui venait de réaliser 12 heures plus tôt seulement le plus grand rassemblement populaire de ces trente dernières années, dimanche dernier, à Bastille, pourquoi ? 
Ensuite, en ouvrant sa télévision au petit matin on se trouve soulagé que la cavale soit finie, mais on se dit aussitôt : Qu'est-ce qu'un Ministre de l'Interieur faisait au milieu de la nuit dans une opération à haut risque où le pire peut avoir lieu, comme une explosion de grande puissance ?
Le propre d’une coïncidence, c’est d’être extraordinaire ; mais là, tant de coïncidences, c'est très étonnant…
Si le meurtrier était un individu préparé et qui eut tant soit peu de ruse, sans être pour autant un idéologue : "À qui profitera le crime", aurait-il pu se demander, en instigateur d'un plan aussi méthodique.
Que ces atrocités soient perpetrées à un moment où le pouvoir en place -et celui à venir- aurait toutes les chances de reconduire sa politique étrangère, voilà qui aurait un sens... celui d’interroger nos candidats. 

  • François Hollande n’a-t-il pas déclaré qu’il ne comptait pas sortir du commandement militaire intégré à l’Otan où Sarkozy nous a enfermés en 2008 ? 
  • Ne s’apprête-t-on pas à suivre Israël sur l’Iran en passant par la Syrie ? 
  • La question des forces spéciales françaises arrêtées par les syriens fin février n’est-elle pas étouffée sur tous les médias français ? lien
Même si la méthode est monstrueuse, il y a une lueur de cheminement dans la pensée. Ce calendrier criminel qui fait irruption dans la campagne est une manière de faire entrer des questions qu’on n’aborde pas d’habitude. Et cela ne marchera pas, car plutôt que de parler on préférera laisser opérer les ressorts de la peur et de l’émotion. La mamie fermera son verrou et comme 75% des +de 65 ans en 2007, on voudrait qu'elle aille re-voter Sarkozy. Personnes âgées, ne vous laissez pas manipuler !

Éloignons les religions du débat politique, éloignons-les d’une société plus éduquée, plus  laïque et plus apaisée, même si c’est au prix d'une lutte renforcée contre les fanatismes religieux, armés ou pas, de toutes obédiences, et retrouvons le sens du débat, le vrai, le sain, sans entrave dans une société dite démocratique.
C'est cela aussi être de gauche en 2012.

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