jeudi 16 février 2012

L'euro-libéralisme enfariné dit à ses soldats : Circulez ! il n'y a rien à craindre !

Les événements historiques nous font parfois la grâce de se présenter entièrement ramassés en une seule pièce, une image, une parole ou un texte, qui par une puissance vertigineuse en offre une synthèse quasi parfaite.

Ainsi Frédéric Lordon ouvrait son opus "La Crise de trop" en 2009. En 2012, ce trait de plume aurait pu aussi bien décrire l'historique aveu de néo-libéralisme du candidat François Hollande, (13 février  The Guardian) : "... pendant 15 ans... nous avons libéralisé l'économie, ouvert les marchés à la finance et aux privatisations. Il n'y a rien à craindre.

Traduction complète ici
Cette phrase est en effet parfaite, concise, et s'affranchit pour une fois des circonlocutions fatigantes habituellement de mise chez ce candidat.

François Hollande aurait dû ajouter un “… hélas !” mais il ajoute au contraire à cet aveu sordide qu'il “n'y a rien à craindre”, que cette option ne changera pas (hélas !...). On pourrait jusqu'à même accorder à François Hollande la clarté du constat. Mais le problème réside dans ce "... il n'y a rien à craindre..." à un auditoire de presse étrangère, inquiet de voir débarouler des chars soviétiques devant leurs ambasssades ou, plus sérieusement des intérêts privés de haute finance inquiets de voir les taux de rendement spéculatifs baisser en France sous le coup de mesures économiques socialistes.

Auteur d’une si magnifique synthèse, historiquement exacte, on imagine le triomphe, si elle avait été prononcée à la tribune du Bourget, entre deux envolées, "L'ennemi, c'est la finance !… (applaudissements à gauche) Pendant 15 ans... nous avons encouragé les privatisations (à sa droite Valls, DSK et Moscovici applaudissent tout seuls)". Et d’aucuns diront encore comme à Démocratie&Socialisme qu’il y a encore un courant de gauche qui pèse au Parti Socialiste ?

Nombreux sont ceux qui depuis vingt ans se sont évertués à critiquer la dérive européiste et marchéiste du Parti Socialiste. Aujourd'hui, je remercie François Hollande de donner raison par ces mots à toute la critique chevènementiste d’hier et toute la critique du Front de Gauche aujourd'hui qu'on méprise un peu vite au Parti dit Socialiste. Et c'est celui qui a immobilisé le PS pendant onze ans, qui faisait partie de la gauche de OUI, qui aura ostracisé les militants qui suivaient Fabius, puis les intelligences à gauche comme Chevènement qui dénonçaient le social-libéralisme larvé du P.S, qui reconnaît aujourd'hui le sens caché de cette persécution ! Merci, et bravo. 

Leur tête de proue vient d'enfoncer un sérieux coin dans la masacarade mise en scène depuis des années par son parti. Ceux qui sont des socialistes authentiques viennent de subir un camouflet historique. Après un tel coming out, un tel accès de franchise, je comprendrais que les militants qui forment le gros des troupes du P.S s'en détournent, et avec eux ses délégués nationaux, Henri Emmanuelli et Gérard Filoche en tête. Et pourtant, vous verrez les Hamon, les Montebourg, et tous les jaloux disant pis que pendre du Front de Gauche, ne pas broncher, baisser la tête et filer droit derrière leur candidat.

Aujourd'hui avec des socio-démocrates comme les deux François, Bayrou et Hollande, Circulez ! Il n'y a rien à craindre, ni pour les puissances financières qui étranglent les peuples d’Europe, ni pour les gouvernements, même socialistes- qui les laissent faire. En effet grâce à eux, nous le peuple de France ne craignons plus d'être mangés tout cru, nous sommes sûrs de l'être !

Mais il faut rendre honneur à la beauté de la phrase qui pour moi fera date dans la campagne électorale de 2012, et être juste : analysons l’extrait en V.O :

  • « The 1980s was a different era. People said there would be Soviet tanks on the Place de La Concorde. That era is over, it’s history. It’s normal there were fears then. There had been 23 years of the right in power, the cold war was on and Mitterrand nominated Communist ministers to government. Today there are no Communists in France … the left was in government for 15 years in which we liberalised the economy and opened up the markets to finance and privatisations. There is no big fear. »

Ce n’est pas faux. On savait que Bérégovoy avait libéralisé les flux financiers, que Jospin avait privatisé plus que Balladur et Juppé réunis. Mais au passage, vous noterez le faux-nez donner raison aux oligarques euros-intéressés : “It’s normal there were fears then” ; C'est normal qu'il y eut alors des peurs, dit le gentil François devant la presse anglo-saxonne.

Ben voyons… Normal que Reagan et les ultra-libéraux de la City aient pu épouvanter les industriels de 1981 en brandissant le spectre du Bolchévisme en France c'est bien normal vu leur paranoïa… Que faut-il y comprendre? Normal qu’ils eurent des fantasmes socialement régressifs ?… Il faudrait alors les en excuser ? Allons, pas sérieux pour un gars qui se voit déjà Président.


Passe-passe, les medias

Vingt-quatre heures plus tard, les médias évitaient de republier cette phrase, qui a même été retiré du premier billet internet du site LePoint.fr- certainement sur ordre de Solférino et du QG de Sarkozy conjoints qui, tous deux, n'ont aucun intérêt à laisser traîner des notions de consensus non-clivantes en période de soi-disant "affrontement". 

En effet ! Il ne faudrait pas qu’on laisse  à penser qu’on va demain, en France comme en Italie, comme en Grèce, remplacer un Berlusconi par un Monti, un Papandréou par un Papadémos, les mêmes par les mêmes ! Non, faisons mine de se combattre et allons dîner au CRIF.

L’aveu de trahison est tronqué dans de nombreux médias (*1) au profit d’un autre extrait de la conférence de presse : "Il n'y a plus de Communistes en France" qui est reconnaissons-le, bien plus vendeur pour les médias de droite (pléonasme). 
On titrera “Hollande contrarie l’extrême gauche”. C’est même à cela et uniquement à cela qu’ont réagi Olivier Dartigolles et Pierre Laurent le Permier secrétaire du PCF : "une grosse bêtise". C’est tout ? C’est mou.

Des communistes, il y en aura peut-être plus demain qu'il n'y en a jamais eu, si ça continue comme ça. François Hollande n'a donc pas parlé à ses amis anglais de l'historique coalition à sa gauche crée par des élus venus du P.S avec des élus Verts et Communistes et qui s'appelle le "Front de Gauche" ? Il feint plutôt de l'ignorer, car c'est plutôt son cauchemar.

Non, trois fois non, ce n'est pas, comme l'a déclaré très étonnament Pierre Laurent, directeur de la campagne du Front de Gauche, "une grosse bêtise", ou alors si Hollande dit des bêtises, qu’il retourne à l’école maternelle. Non, c’est injurieux. Une déclaration d'une telle ampleur devrait provoquer l’ire d’un vrai Premier Secrétaire du Parti Communiste (mais en est-il un ?) qui, le 6 mai 2012 devrait encore accorder ses voix à celui qui trahit la classe populaire et qui le dit, et tout ça pour battre une soi-disant Droite par une soi-disant Gauche. Mais à ce compte, ils ne sont ni de Droite ni de Gauche, ce sont simplement des euro-fascistes qui s'ignorent. (*2)

Donner ses voix de gauche  à un candidat soi-disant "de gauche", qui rassure les marchés (pourquoi faire au demeurant) alors même que l’on fête le 150° anniversaire de la parution des Misérables de Victor Hugo… Ces paroles sont proférées le jour même des émeutes grecques réunissant 300 000 personnes à athènes, où brûle leur bibliothèque nationale, au moment même enfin où la France s'apprête à faire voter un texte bien nommé “Mécanisme européen de stabilité” ? L’ironie du calendrier est parfaite elle aussi, et plaide pour consacrer la phrase de François Hollande au rang des chefs d’œuvre de la vérité en politique, ça fait du bien !

Mais c'est bien une déclaration qui vaut son pesant d'or pour l’électorat de droite qui préférera toujours l’original à la copie, et qui devrait sonner le glas des illusions de tous les électeurs qui croyaient encore que le Parti Socialste français était encore à gauche. Eh non, M. Pierre Laurent du PCF, ce n’est pas une grosse bêtise, pourquoi vouloir à tout prix minimiser l’affaire ? Voilà qui devient suspect à son tour... Le Parti Communiste français depuis 1989 a-t-il été émasculé à ce point ? C'est d'une rare clarté.

Rassurez-vous Messieurs, Mesdames, avec François Hollande, le P.S continuera la politique complaisante au néo-libéralisme, quoiqu'il pose dans l’attitude du chevalier blanc de la moralité, toujours elle, lorsqu'il s'agit de glaner vos voix au bord du chemin, à vous, les indécis, les incultes et les malvoyants. Au lieu de vous le montrer, on vous dit des grosses bêtises.

Qui sont donc les électeurs du Front de Gauche (11,38% au premier tour des sénatoriales récentes) et les électeurs socialistes qui accepteront que François Hollande pérennise le travail de sape sociale de la droite, en exposant demain sur l'autel des crises financières le drapeau de “la gauche” qu'il est censé incarner ? 

Faudra-t-il qu’ils soient aveugles pour en cautionner l’imposture et qu'ils soient oublieux pour en faire oublier les inévitables abstentions qui découleront ?

Cette phrase terrible, que François Hollande risque de se voir remettre sous le nez au premier débat télévisuel, mérite à elle seule que ce candidat malheureusement choisi par le P.S soit battu par l’autre candidat de gauche, et de la façon la plus nette.


Un média sérieux Arrêt sur Images http://www.arretsurimages.net/vite-dit.php#13159







*2 pour reprendre la notion d’Emmanuel Todd http://www.youtube.com/watch?v=t1d_2dTxr0s&sns=fb

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