mardi 23 novembre 2010

"Y a pas de fric... vous croyez que c'est pour le plaisir que de telles lois sont votées?"

Un ami prénommé Renaud laissait  un petit commentaire sur ma page Facebook. Et c'est d'argent qu'il s'agissait dans ce petit commentaire.

Mon profil disait ce jour-là : "Puisque Mme Lagarde nous promet sans cesse 2,5 % de croissance, pourquoi diable ne pourrions-nous pas travailler moins longtemps ?"


et Renaud de répondre sur mon mur : - "parcequ'il y a pas de fric, vous allez finir par le comprendre ou quoi ???!! vous croyez que c'est pour le plaisir que de telles lois sont votées  ???!!... hein ???"

à cette occasion, je me suis dit qu'il fallait  mesurer le réel déficit  d'éducation populaire (sans jeu de mots). L'Economie est une matière qui comme l'Histoire serait dès le collège propre à former de véritables citoyens, c-à-d conscients de leur choix. Il devrait être d'intérêt public  d'inscrire les fondamentaux de l'économie aux programmes des collèges et lycées, même si cela exige une préparation, des personnels qualifiés, des moyens. Car de l'argent, il y en a ! Tout est affaire de répartition.

On dirait donc, cher Renaud, qui sembles si irrité, que malgré les catastrophes  récentes où le monde entier a été mis en émoi par les expropriations de seulement quelques millions de familles  américaines expulsées et réduites à la mendicité des bureaux d'aide sociale, tu n'aurais pas saisi les liens de cause à effet entre finance privée et dette publique. Je vais m'employer avec mes moyens très modestes à te démontrer que tu es un garçon honnête mais qui -comme moi- avais tendance à croire tout ce qu'on lui dit :

Les dettes publiques des Etats sont d'abord provoquées par les réductions d'impôts (dépense fiscale), l'abolition des taxes de douane, et le départ des outils de travail (délocalisations). 


Dans tous les pays où l'impôt est progressif et fort, la paix sociale est plus grande, et le bien-être général meilleur. Dans les pays où la contribution fiscale des citoyens est moins égalitaire, plus tendre aux riches, où les tranches sont moins nombreuses, où le message consiste à dire que certains citoyens seront "protégés" des taxes, les sociétés sont divisées, en compétition, la pression augmente sur les classes moyennes "laborieuses et courageuses" contre les classes pauvres vues comme "demandeuses et fainéantes".


Pour parvenir à justifier de taxes moins justes, on fait croire (Ronald Reagan, Margaret Thatcher, 1980) que plus il y aura de millionnaires, plus ils tireront la société vers le haut. C'est une immense mystification. Cela ne s'est constaté nulle part. Cela accroît les comportements agressifs et égoïstes. Ces états sont tous sans exception -même les Etats-Unis- en voie de désindustrialisation


Ces dettes tombent donc mal, dans un contexte de concurrence commerciale mondiale et de délocalisations des bassins d'emploi. Elles s'aggravent. 


Mais ce n'est pas dramatique pour tout le monde ! 


Ces dettes publiques font les choux-gras des prêteurs privés. Ceux-ci gagnent donc d'autant plus d'argent à mesure que les taux d'intérêts augmentent. Ces taux où les banques privées prêtent aux Etats sont fixés, non pas par une instance publique indépendante, mais des Agences de notation privées. (on n'en sort pas...)


Les "Dettes publiques" Grecque, Espagnole, Française, sont pour les investisseurs des marchés financiers comme les autres ! c'est un "produit" qui rapporte comme un autre ! On prête au Portugal à 7% ou à la Grèce à 4%, mais ça représente quelques milliards d'euros de plus à payer pour ces peuples.



En cas de dettes publiques où les investisseurs privés ne peuvent plus être remboursés, ou ne veulent plus prêter, on demande une aide à une Banque, le 

  • Fonds Monétaire International (dirigé par Dominique Strauss-Kahn). 
Les pays les plus pauvres ne sortent pas de leur endettement. Ils remboursent juste l'emprunt du F.M.I.


Les dégâts sociaux sont dus à des décisions politiques nationales ou Européennes, toutes dispositions qui tendent à enlever les règles (dérégulations), à vendre les services publics (privatisations), qui tendent en fait à une Organisation Commerciale du Monde. 


Tout cela conjugué tire à boulets rouges sur les comptes publics et non les aident à s'équilibrer. 


Au passage, ces politiques décidées par des élus du peuple se préoccupent-elles de l'intérêt du peuple, ou se préoccupent-elles plutôt d'assurer les marchés financiers privés qu'il y aura toujours une dette publique à colmater (à 4,% 5% voire 7%) ? Et donc accroître les bénéfices privés,  à partir du travail des gens de ces pays d'Afrique, d'Europe...

Aux gens comme toi et moi, on demandera de travailler plus longtemps,
par exemple... comme dans l'affaire de l'Augmentation de l'âge de Départ à la Retraite. Le but non avoué de cette réforme est bien d'ouvrir le Marché de la Vieillesse aux assurances privées de façon encore plus large ; pour ceux qui auront les moyens de se payer des retraites complémentaires (y compris les fonctionnaires, façon de détourner les richesses de l'Etat vers les caisses privées, décidément on n'en sort pas) par contre, pour les autres... ce sera prise en charge sociale.... (on n'en sort pas)



On leur demande donc de travailler plus car il n'y aurait soi-disant "plus d'argent du tout dans les caisses". Tout bon étudiant en première année d'Economie sait que ç'est faux, Renaud.


Philippe Gas, le petit patron de Disneyland-Paris à 30 700 €/mois, et qui vole sûrement son argent "puisqu'il n'y en a pas !"







Les solutions existent, comme de rétablir des impôts progressifs avec de nombreuses tranches, placer le bouclier fiscal à 100 %, instaurer un revenu maximum et un différentiel entre revenus fixe plafonné dans la même entreprise, taxer les flux de capitaux, abattre les "paradis" fiscaux qui sont des enfers sociaux, signer des Pactes de Solidarité Financière dont les prêts ne seront plus soumis aux vicissitudes et aux diktats des marchés financiers mondiaux. 


>Les besoins publics ne devraient pas se financer sur fonds privés lucratifs. Mais sur des titres limités à l'Europe par exemple, fermés au marché obligataire. Le concours d'une Banque Centrale Européenne qui prête de l'argent serait bienvenu car c'est son métier (mais l'art. 125 du Traité de Lisbonne lui interdit de faire son métier, précisément...)



En l'occurrence, et pour prendre l'exemple des Retraites les actifs d'aujourd'hui produisent plus de richesse qu'en 1960. Il faut avoir ça à l'esprit avant d'objecter qu'il y aura bien 2 jeunes actifs pour 3 vieux inactifs. 

On nous fait des projections à 2050. Très bien, si nous partons sur une croissance de 1,7% prévus, nous doublerons la richesse produite (P.I.B) Ce Grand Gâteau est aujourd'hui de 2000 milliards d'euros en France. Les retraites coûtent sur ce gâteau 13% = 260 Milliards.

En 2050, il y aura plus de retraités, et la retraite coûtera alors 720 Milliards d'€ à prendre sur le Grand Gâteau (le P.I.B),  18% de la richesse nationale produite.


Mais ce Gâteau sera alors de 4000 Milliards (à 1,7% de croissance, logique).


Alors que l'on fait croire que les patrons vont devoir tripler l'effort financier : 260 contre 720, donc plus cher. On prend les Français pour des gamins d'école maternelle.


18% de 4000 Mds d'€, contre 13% de 2000 Mds d'€ aujourd'hui. L'effort sera de 5% sur une richesse qui aura doublé !


Aujourd'hui, il reste 1740 milliards à se partager, une fois les retraites payées. 
En 2050, il restera 3280 miliards  à se partager, une fois les retraites payées.


Et on nous répète qu'il faut réformer ! Tu comprends ma colère ? tu comprends pourquoi aujourd'hui, lorsqu'on sait tout ça, on a du mal à voter à droite ?


Il faut réformer, ok, mais dans quel sens ? Or, ils le font dans le sens de l'allongement du temps passé au travail, non pas parce qu'il n'y aurait "plus d'argent" mais parce que le syndicat des patrons (le MEDEF) ne veut plus consentir à l'effort historique régulier d'augmentation des cotisations sociales, alors qu'il circule plus d'argent et qu'il se produit plus de richesses qu'autrefois. 


Or, ceuwx qui nous vendent la retraite à 67 ans savent bien que ceux qui devront partir avant 60 ans se raccrocheront aux budgets... sociaux ! (on n'en sort pas, on nous dira que les déficits publics explosent, pas grave, les prêteurs prêteront)


Il y a 40 ans, l'effort consenti par le patronat était plus important qu'aujourd'hui. Pourquoi ne serait-ce plus possible aujourd'hui ? 


Voilà, Renaud, tu crois toujours que ça ne leur fait pas "plaisir" d'impulser de telles réformes ? Moi je crois qu'ils rient sous cape.  
C'est leur manière à eux de remercier les salariés qui ont travaillé toute une vie pour produire les richesses qui  serviront aux banques à spéculer sur les marchés financiers internationaux. Triste condition humaine du XXI° siècle !


Quelle est donc cette vision pessimiste qui autorise le patronat à penser que la France serait moins riche en 2050 qu'au sortir de la 2nde Guerre Mondiale ?  
C'est une pure affabulation. 


Ce qu'ils veulent, et les gouvernements qui appliquent fidèlement leur politique, c'est faire toujours plus de profits (très bien), mais toujours moins partager (moins bien).




(un chef d'entreprise exemplaire


 Carlos Ghosn, un furieux anarchiste, puisqu'il  touche 

770 000 €/mois sans compter les stock-options, et le chauffeur, et la Renault offerte... 


Il a licencié 6 000 personnes en deux ans.


A ce tarif, il imprime sûrement ses billets de banque lui-même puisqu'il n'y a "pas d'argent !")



N'aurais-tu donc pas compris, cher Renaud, que la manœuvre générale qui accompagne, et qui dicte toutes les décisons politiques économiques,  visent depuis trente ans  à rediriger la richesse produite par tous vers les portefeuilles privés de quelques uns ! 


Cet aveuglement qui semble être le tien est celui de millions de personnes, je te rassure, il est lui aussi parfaitement organisé. C'est le pessisme, la résignation, le découragement qui est organisé par la désinformation, que dis-je, par la propagande soviétique européenne actuelle !

Il s'agit -pour "le discours dominant"- de répéter des mensonges patents comme François Fillon l'a fait il y a trois ans : "
Les caisses sont vides !" .

Le déficit public est dramatique. Il n'y a plus d'argent. Et tout le monde le croit. Peut-être parce que c'est plus facile à entendre que "il n' y a plus de travail..."

S'il est vrai qu'il y a un déficit, il faut alors se demander

- Pourquoi il y a "déficit" ? Les déficits sont entretenus par quoi ? Quels "boucliers fiscaux" sont-ils en cause ? Quelles dispositions de loi aggravent la dette publique ? Et enfin, à qui profite la dette ? 

Cher ami, ta réaction m'a attristé, car je la crois symptomatique d'un Grand Malentendu.  Je te renvoie volontiers aux ouvrages de Liêm Hoang Ngoc (Vive l'impôt !), Bernard Friot (L'Enjeu des retraites) ou de Jacques Généreux, ("La Dissociété", "Pourquoi la droite est dangereuse"). Dans "La Grande Régression"*, ce dernier pose notamment cette question : 

"Nous échapperons forcément à une destinée qui n'est pas soutenable, ni matériellement ni socialement. La seule question est de savoir si nous y échapperons grâce à une réorientation radicale et pacifique des politiques et du système économique, ou bien après l'effondrement violent de la société où nous conduit la dynamique enclenchée par la Grande Régression.

* France Culture, 127'
(Seuil éditions)


voir la vidéo amusante et sérieuse de la SCOP le Pavé


mercredi 17 novembre 2010

Sarkozy et sa nouvelle étape d'impuissance

Le chef de l'Etat a parlé pour ne rien dire, et la loi de pillage des retraites est promulguée. "Je me moque de vous deux fois".


Cette loi est donc jusqu'à sa révocation par un futur gouvernement est passée sur le dos de 73% de français qui n'y étaient pas favorables, à l'issue du plus fort mouvement social depuis 40 ans ! Quel homme ce Sarko ! S'il avait voulu nous montrer qu'il est sévèrement burné, il ne s'y serait pas pris autrement.

Je dirai pour ma part sévèrement culotté et même un peu honteux.
Dans toute cette affaire menée agressivement par l'ancien gouvernement Fillon II ce ne fut que mensonges, désinformation, culpabilité même, et aujourd'hui c'est une loi qui vient d'être promulguée durant la nuit à la sauvette, comme les voleurs. En 2023, ce sera donc un progrès : 67 ans.
Le chef de l'Etat s'en est encore expliqué hier : nous ne pouvons pas faire autrement. Lourd de significations. Il ne "peut" pas. Ce gouvernement n'est pas libre ! Il est "obligé de".

Il ne dirige pas, il exécute (les basses-oeuvres de l'OMC et de la Commission de Bruxelles), et je ne crains pas de procès, puisque c'est lui qui le dit...

Alors pour s'en expliquer, le Chef de l'Etat nous re-servit le même plat ultra-réchauffé. Depuis le début des semblants de négociation on a volontairement confond moment et période. Le discours uniforme, repris à l'envi par les médias et les portes-parole du gouvernement, a confondu Devoir et Pouvoir, comme vient de le faire le Président.
On doit travailler plus longtemps ? Si seulement on pouvait travailler tout court...

Nous serions "aux abois" selon lui. Submergé par "les vieux". Au passage, ceux qui les ont élu à plus de 75% (les plus de 65 ans) ne seront pas concernés par cette réforme. 

En Bolivie, pays jeune, l'âge de départ à la retraite vient de passer de 65 à 58 ans, et la Bolivie n'est pas plus riche que la France tout de même. Non, iIs font des choix économiques ajusté sur un projet social. Ici nous faisons des choix sociaux ajustés sur les diktats de Bruxelles. C'est une histoire belge pas drôle.

Le Président Français lui, nous dit en substance: "je ne fais pas de choix, je suis contraint" Il nous dit son impuissance à faire de la politique, au lieu de dévoiler clairement ses véritables intentions droitières. En effet, il applique un politique logique pour un homme de droite, il ultra-libéralise la France, mais il s'en défend. Etrange pour un homme qui a intégré une chose qui n'est pas irrémédiable : "nous sommes pris dans une compétition mondiale". Alors pourquoi avoir honte d'être de droite ?

On confond donc à dessein Devoir et Pouvoir à tous les niveaux.

Puisque Mme Lagarde nous promet sans cesse 2,5 % de croissance, pourquoi diable ne pourrions nous pas travailler moins longtemps ?

En vérité, nous pourrions travailler moins longtemps s'il ne s'agissait d'ouvrir à toute force le marché lucratif de la Vieillesse à des investisseurs en assurance-vie, des rapaces dont le système entier garantit leurs formidables rentes, mais qui exposeront les Etats et leur argent frais au premier krach boursier, à la première faillite du système ! Nous re-paierons alors... encore et encore.

Nicolas Sarkozy nous dit hier dans son numéro de clown insensé qu'il est un homme d'écoute. Ce qui vient  de se passer dans la rue démontre le contraire. On prêterait d'autres qualités à un sourd qui indique lui-même qu'il est impotent.

lundi 15 novembre 2010

Ici, la France ! changement de gouvernement "Révolutionnaire"

Nicolas Sarkozy et François Fillon.
Le calendrier et la communication de Sarkozy sont impeccablement réglés. De retour d'un G20 catastrophique où la France est représentée par la Fédération des Banques qui ne veulent pas d'outils contraignants "au-delà de Bâle III"" et où la Chine ne veut pas entendre parler de réévaluation de son Yuan, Nicolas Sarkozy, vexé comme un pou, emballe dès son retour la machine à pétards mouillés. 


Comme l'esbrouffe ne marche pas à l'extérieur, tout consiste à jeter des écrans de fumée sur le plan intérieur. Faire oublier son impopularité certes, mais surtout tenir en main de potentiels adversaires Chiraquiens et Villepinistes qui ne pourront plus s'exprimer demain contre lui, puisque nommés, au risque d'être accusés de déstabiliser la droite en campagne. Les nouveaux ministres. Baroin en tête, le fils préféré de Chirac. Ce n'est pas une espèce de mouvement soudain pour l'intérêt général qui animerait Le Président élu.

C'est cela qu'il faut avoir en ligne de mire. Et non les amusements donnés en pâture aux salles de rédaction priés d'ébruiter la fausse rumeur : "Sarkozy et son noyau dur"... Calembredaines.

Mais j'en viens à cette sortie historique proférée ce matin sur les ondes : Comme le dit mon ami Alexis Corbières sur son blog , il est de santé publique de commencer la journée par entendre sur France-Inter, l'Ex-Nouvelle-Ministre des Finances Christine Lagarde, la plus américaine de tous les temps (avocate d'affaires américaine dirigeant le cabinet Baker & McKenzie) parler de gouvernement "révolutionnaire" concernant Fillon III ! Une vraie pince-sans-rire.



Irrésistible, venant de la part d'une responsable qui, en proie à un délire chronique de fantaisie , n'annonce pas moins de 2,5 % de croissance pour l'an qui vient, alors que le pays n'a pas soutenu une telle expansion depuis 1975 ! Une Ministre plébiscitée par le "Times"* où elle a des amis**capable de laisser l'Allemagne s'envoler devant elle vers 40 Milliards d'excédent commercial et s'engouffrer la France vers 40 milliards de déficit commercial ! Une incompétente notoire quasiment passible de haute trahison, qui -toujours sans rire- préféra renflouer les caisses privées des banques du Luxembourg avec de l'argent public à 0,7% (sans appel d'offres) au moment-même où ces banques étaient aux abois ! En attendant, profitez bien de vos appointements supplémentaires, Mme La Ministre, car pour tant de bonnes manières, vous êtes reconduite !


Alors, oui, Mme Lagarde, je vous donne raison, ce qu'il faut, c'est un "gouvernement révolutionnaire". Mais il y a fort à parier que dans celui-là, le billet de l'avion où vous prendriez la fuite ne serait pas défrayé par Bercy : il ne décollerait pas, et vous seriez invitée à nous faire rire encore un peu, par vos réponses aux représentants du peuple.


Les précédents ministres ne croyaient plus en Sarkozy depuis déjà deux ans (source personnelle du Cabinet primo-ministériel en sept. 2008) lassés par sa compulsion gesticulatoire fatiguante. Il fallait donc du sang neuf, et pas n'importe lequel, des gaullistes piteux, transformés en toutous aux ordres. 

Si j'étais Villepin, je serais inquiet. La bataille des deux droites est ainsi muselée. Fillon prépare une nouvelle étape. Entendez : encore plus dure, encore plus sourde.

Attention Sarko n'est peut-être qu'un "pauv'con", mais c'est loin d'être un abruti.


**Lire l'article de Thimothy Geithner, actuel Secrétaire du Trésor U.S, sur Christine Lagarde, et comprendre pourquoi Mme Lagarde est indéboulonnable.

dimanche 7 novembre 2010

Noces de rêve à Bastille

La journée de samedi a été marquée sur le plan social par des manifestations à l’appel des centrales syndicales, pour la septième fois consécutive depuis deux mois. Les cortèges se sont dispersés Place de la Bastille. 






Y aurait-il un vent de révolution dans la rue ? C’est en tout cas la question que devait se poser le souverain qui assistait à la Première que Mozart lui donna de l’œuvre française, Le Mariage de Figaro.
Une demi-heure plus tard place de la Bastille commençait la représentation des Noces de Figaro. Car ce samedi soufflait aussi sur scène un vent de révolution, artistique cette fois. L’opéra tiré de l’œuvre de Beaumarchais juste avant la Révolution Française était reprise de feu le maestro Giorgio Strehler, qui la conçut en 1973, en plein choc pétrolier (joyeuse mise-en-abîme).
Par un effet d’écho à ce qui se passait dans la rue, commençait alors une folle soirée, exceptionnelle à plus d’un titre. Outre qu’elle réunit un agrégat de chanteurs parmi les plus solides instruments de notre époque fragile (Ann Murray, Ekaterina Siuryina, Barbara Frittoli, Karine Deshayes, Ludovic Tézier, entre autres artistes émérites) elle s’est donné “à plateau nu”, au beau milieu de trois accessoires, un fauteuil pour la Comtesse, un pupitre pour écrire un billet, un pot de fleurs... l’essentiel. La grève des techniciens privait les spectateurs du sublime décor et des lumières mémorables de Ezio Frigerio. Mais elle ne les priva pas longtemps car la force du chef d’œuvre mozartien joua son rôle. Les chanteurs se sont mobilisés à l’extrême, trouvant une implication, une liberté de jeu, voire un cabotinage heureux. Une grâce, quoi.
Et c’est justement la cote des metteurs-en-scène d’aujourd’hui qui perdit quelques points. Une chute “spectaculaire”. Sur un fond noir de rideaux de répétition, Les Noces de Figaro de Bastille en 2010 retrouvaient les tréteaux de Draguignan des années 1950 dans le temple de l'Opéra National. Du soleil dans l’imaginaire, des chanteurs extraordinairement investis. Non qu’ils ne le soient pas les soirs où toute la mise en scène est présentée, mais il y avait un je ne sais quoi de la magie qui hante quelquefois les plateaux, comme disait justement le même Strehler. Le chaos, l’élément perturbant la grève des techniciens a fait apparaître à quel point ce qui reste, c’est l’histoire, les hommes et les femmes qui la servent. Une mise en scène peut aussi quelquefois desservir alourdir une œuvre et plus souvent ses interprètes. Aller trop au devant de l’imagination du spectateur, lui servir les plats tout cuits et rôtis d’une réalisation scénique hyper-esthétique et fort coûteuse quelquefois, ne sert ni sa réflexion, ni le rêve qui se dégage du plateau. Hier soir à Bastille, pas d’éclairages, une rampe a suffi aux quatres actes de ce chef d’œuvre de l’esprit humain. 
Ces grands professionnels -sûrs de leur fait- ont accepté de jouer le jeu sans sourciller. Et on les en remercie : le théâtre y a gagné. Inutile de faire le traditionnel article sur leurs mérites respectifs : ils se sont transcendés dans un esprit collectif comme rarement l’opéra d’aujourd’hui nous en donne l’occasion, tant l’invidualisme et le star-system ronge ce magnifique métier d’artistes, autrefois troupiers, aujourd’hui lancés sur un vrai marché boursier des valeurs lyriques, montantes et descendantes. Les Palais-Garnier du monde en ces temps de marché-roi prennent de plus en plus des allures de Palais-Brongniart.


Giorgio Strehler, l’homme aux 250 mises-en-scène d’opéra et maître de Patrice Chéreau, avait en son temps révolutionné l’art lyrique, faisant bénéficier les chanteurs du travail des acteurs. Tito Gobbi fumait un cigare dans Rossini et c’était déjà tout un monde qui déboulait à l’opéra, un renversement des habitudes et des “attitudes” acquises. En 1979 encore dans le même spectacle, un Gabriel Bacquier demandait pardon à sa Comtesse en roucoulant quelque peu. Trente ans plus tard, Ludovic Tézier, brillanttissime "Comte Almaviva" de ce début de siècle, abandonne tout oripeau devant elle, en repoussant les limites du pianissimo vocalement possible, jusqu’à redevenir petit garçon après avoir été cruel. Giorgio Strehler, lui, en serviteur des grands textes et de leur portée universelle-le plus grand de tout le vingtième siècle- nourrissait de la vie chaque seconde qui passait sur un plateau.


J’ai donc eu une pensée pour Giorgio, dont j’ai eu l'honneur de croiser l’énergie tourbillonnante autrefois... Hier, par la grâce d'un mouvement social qu'il n'aurait pas désavoué, sa mise-en-scène avait quasiment disparu, certes. Mais en subsistait la quintessence, le jeu des chanteurs, l’œuvre, la musique, qui étaient toute sa vie. Et, comme le public qui leur fit un triomphe, il aurait adoré.